Votre cerveau sous ChatGPT

Penser devient-il un effort évitable ?

Sylvain Morizet

7/18/20253 min read

Et si le vrai danger de l’intelligence artificielle n’était pas l’extinction de l’humanité… mais celle de notre exigence intellectuelle ?
Le MIT, dans une étude publiée récemment, tire la sonnette d’alarme : l’usage régulier de ChatGPT provoquerait un affaiblissement durable de l’activité cérébrale. Moins de mémoire. Moins d’attention. Moins de créativité. Moins de nuance.

Nous avions Google. Désormais, nous avons un copilote cognitif qui pense (et écrit) à notre place. Et cela n’est pas sans conséquences. Le cerveau humain, déjà peu porté sur l’effort, s’habitue à la délégation. Il entre en veille prolongée.

📉 La dette cognitive : comprendre ce que nous perdons

Pendant quatre mois, des chercheurs du MIT ont observé un groupe d’étudiants confrontés à des tâches de réflexion : rédaction d’essais, argumentation sur des thèmes comme la loyauté, le bonheur ou le choix. Certains utilisaient uniquement leur cerveau. D’autres travaillaient avec ChatGPT.

Résultat ?
➡ Les textes produits avec ChatGPT étaient plus fluides, mieux structurés.
➡ Mais l’activité cérébrale était nettement plus faible.
➡ Et, plus inquiétant encore, ceux qui avaient travaillé avec l’IA étaient ensuite incapables de mobiliser leur propre pensée sans elle.

On appelle cela une dette cognitive. Plus on délègue, moins on sait faire.
À long terme, on désapprend. On perd l’habitude de lutter avec ses idées, de choisir
ses mots, de nuancer sa pensée.

🧪 Moins de cerveau, moins de mots, moins de profondeur

Le MIT ne s’est pas contenté de mesurer l’activité cérébrale. Les chercheurs ont analysé les textes. Ce qu’ils ont observé ? Une réduction de la richesse lexicale, une pauvreté dans l’argumentation, un affaiblissement du style personnel.
Ce n’est pas une dégradation technique. C’est une dissolution de la voix intérieure.
L’IA ne se contente pas de répondre à notre place. Elle nous apprend à éviter la frustration. E
t pourtant, c’est précisément dans la frustration — dans l’hésitation, la recherche, la rature — que se forge l’intelligence.

💬 Déléguer sa pensée, c’est aussi déléguer son identité

La question n’est pas seulement cognitive. Elle est existentielle.
Quand un étudiant utilise ChatGPT pour répondre à un parent, ce n’est pas seulement une phrase générée. C’est une relation filtrée par un outil. Une émotion déléguée. Une sincérité absente.
Et quand cette pratique devient quotidienne — pour écrire, dialoguer, argumenter — c’est le moi qui s’efface. La pensée devient une prothèse.

⚖️ Expertise contre expérience : l’illusion du savoir immédiat

L’IA est experte. Mais elle n’a aucune expérience.
Elle peut citer des sources, analyser des données, synthétiser des thèses.
Mais elle ne connaît pas le doute. L’ambiguïté. L’échec. Elle ne sait pas ce que c’est que de chercher pendant des jours une idée juste — et de ne pas la trouver.
Notre société, fascinée par l’efficacité, court le risque de confondre compétence et profondeur.

📚 Ce que nous devons préserver : nos grandes idées

Face à cela, une voie s’ouvre : celle de la résistance douce. Elle commence par une question simple :
Quelles sont mes grandes idées ?
Qu’est-ce qui me guide ?
Quelles valeurs orientent mes choix quand la facilité serait de dire oui à tout ?
Quelles convictions suis-je prêt à défendre, même si cela prend plus de temps, plus d’effort, plus de solitude ?

Tant que cette interrogation reste vivante, nous restons souverains.
Et si peu d’adultes savent y répondre, c’est peut-être parce qu’ils n’ont
jamais pris le temps de l’écrire, de formaliser leur pensée, d’en faire une boussole, au lieu de suivre la carte d’un autre.

✊ Trois actes simples pour rester libres

  1. Ne pas tout déléguer. L’IA peut vous aider à corriger une facture. Pas à écrire vos convictions. Refusez qu’elle rédige à votre place ce qui engage votre subjectivité.

  2. S’entraîner à penser seul. Une fois par semaine, prenez un sujet et écrivez, sans assistance. Ce n’est pas pour briller. C’est pour garder la main.

  3. Réapprendre à douter. La frustration, l’ennui, l’hésitation… sont les conditions de la maturité intellectuelle. Ce que l’IA efface, ce n’est pas seulement le travail. C’est l’épaisseur de l’humain.

📍 Un choix de civilisation

Nous ne sommes pas face à un outil. Nous sommes face à un miroir. L’IA amplifie ce que nous sommes. Si nous la laissons penser à notre place, nous deviendrons plus rapides, mais plus vides. Plus efficaces, mais plus standardisés. Plus “intelligents”… mais moins vivants.

Le combat à mener n’est pas technophobe. Il est philosophique.
Il ne s’agit pas de rejeter ChatGPT, mais de ne pas lui confier ce qui fait de nous des êtres pensants : le doute, le style, la mémoire, l’échec, la nuance, et parfois même… la lenteur.

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