GTC Paris 2025

La première édition parisienne du GTC (GPU Technology Conference) de Nvidia a rassemblé une communauté de chercheurs, d’industriels, d’entrepreneurs et de décideurs politiques autour d’un constat clair : l’intelligence artificielle n’est plus une technologie, c’est une infrastructure. Et avec elle, s’ouvre une nouvelle révolution industrielle, que Nvidia entend bien piloter.

Calcul accéléré : la philosophie de Nvidia

Jensen Huang, fondateur et PDG de Nvidia, a rappelé que l’entreprise est née d’une ambition simple : permettre à l’ordinateur de faire ce qu’il ne savait pas faire. Pour cela, Nvidia a inventé le calcul accélé, développant des processeurs spécialisés (GPU) et des bibliothèques logicielles permettant de paralléliser massivement les algorithmes. Aujourd’hui, l’écosystème compte plus de 400 bibliothèques, chacune adaptée à un domaine spécifique (santé, climat, physique, génomique, etc.).

Cette approche repose sur une refondation de la façon de penser les algorithmes. Il ne suffit pas de compiler : il faut repenser l’architecture du calcul lui-même. Une tâche difficile, que Nvidia simplifie en proposant des frameworks comme cuDNN (pour les réseaux neuronaux), Parabricks (analyse génomique), Earth-2 (modélisation climatique), ou encore Warp, SUDF, QML, et dernièrement QODA et QDAQ pour le calcul quantique hybride.

Quantum + GPU : le couple du futur

La grande annonce de cette édition : la maturité du calcul quantique. En 2023, Google a démontré le premier qubit logique, fruit de 30 ans de recherche. L’essor des qubits corrigés d’erreurs laisse entrevoir une croissance exponentielle du potentiel de calcul. Nvidia parie sur une architecture hybride : les QPU (processeurs quantiques) couplés aux GPU, chacun jouant son rôle (prétraitement, contrôle, correction, etc.).

Avec QDAQ, Nvidia propose une pile logicielle unifiée permettant de développer aujourd’hui des applications prêtes pour le quantique, exécutables en mode émulé ou réel. Le tout est désormais optimisé pour la nouvelle architecture Grace Blackwell.

Grace Blackwell : une machine pensante

C’est la star du GTC 2025. La nouvelle architecture Grace Blackwell (GB200) est conçue comme un supercalculateur pensant : capable de raisonner, planifier et auto-évaluer des modèles complexes. Chaque rack (2 tonnes, 1,2 million de composants) est plus performant que les supercalculateurs de 2018, avec une efficacité énergétique 100x supérieure. L’interconnexion NVLink permet un débit de 130 To/s, soit plus que le trafic Internet mondial à son pic.

Ces machines sont déployées à grande échelle : 1000 racks produits chaque semaine. Objectif : alimenter les nouvelles "usines d’IA".

L’IA n’est plus un logiciel, c’est une industrie

Nvidia martèle un message fort : les centres de données ne sont plus des lieux de stockage, mais des usines de génération de jetons intelligents. Ces jetons deviennent la nouvelle matière première de l’économie cognitive.

Une "usine IA" est une infrastructure de production massive d’intelligence : capable de former, générer, planifier, raisonner. Chaque pays veut la sienne. Vingt gigafactories sont en cours de construction en Europe.

Agents, NIMs et plateforme Lepton

La prochaine vague de l’IA est celle des agents. Des entités autonomes capables de raisonner sur des objectifs, d’utiliser des outils, de coopérer avec d’autres agents. Nvidia introduit :

• NIMs : des agents empaquetés, pré-entraînés, spécialisables.

• Nemotron : modèle open source optimisé pour les besoins régionaux.

• Lepton : plateforme de déploiement multi-cloud (AWS, Azure, Mistral, sur site ou DGX Spark).

Des démonstrations bluffantes ont montré des agents collaboratifs créant une entreprise fictive (food truck), gérant marketing, finances, design et logistique.

Jumeaux numériques & IA industrielle

L’industrie européenne est au cœur de la vision de Nvidia. En partenariat avec Siemens, Schneider et d’autres, Nvidia déploie Omniverse pour créer des jumeaux numériques d’usines, de gares, de chaînes logistiques. L’objectif : tout concevoir, opérer et optimiser numériquement avant toute mise en œuvre physique.

Un cloud industriel IA sera créé en Europe pour simuler en temps réel des souffleries virtuelles, des usines, des réacteurs à fusion.

Robots humanoïdes & apprentissage simulé

Greg, le robot humanoïde de Nvidia, a appris à marcher et interagir dans Omniverse avant d'être transféré dans le monde physique. Cette approche permet d’entraîner des robots à grande échelle sans risques ni coûts réels.

La pile robotique de Nvidia inclut :

• Thor : ordinateur embarqué pour robotique.

• Isaac : framework de développement.

• Modèles transformeurs pour la perception, la planification, la commande motrice.

La robotique humanoïde est présentée comme le prochain gisement de croissance majeure.

Voitures autonomes : l'autre front

Nvidia propose une pile complète pour les véhicules autonomes : capteurs, GPU, jumeaux numériques, planification, perception, redondance sécuritaire. Le tout fonctionnant sur architecture Halo, avec modèles transformeurs.

Objectif : réduire les 10 000 milliards de miles annuels parcourus par un milliard de voitures via des systèmes autonomes fiables.

Une infrastructure intelligente mondiale

L’IA est désormais une infrastructure de souveraineté. Jensen Huang a appelé les gouvernements à la construire comme on a construit les routes, les barrages ou l’électricité.

“Ce que nous faisons n’est plus simplement technologique. C’est civilisationnel.”

Conclusion :

Le GTC Paris 2025 fut bien plus qu’une vitrine technologique. Il a dessiné les contours d’un nouveau monde où chaque pays devra choisir : être producteur ou simple consommateur d’intelligence.

La France, avec ses chercheurs, ses infrastructures et ses partenaires (Mistral, Schneider, Siemens), semble bien décidée à prendre le train en marche.

Et ce train, propulsé par Nvidia, fonce à grande vitesse vers un futur pensant.