2025, le moment de bascule ?

OpenAI, Google, Perplexity, Trump… et nous, au milieu

IA

Sylvain Morizet

5/19/20254 min read

white concrete building during daytime
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OpenAI, Google, Perplexity, l’Europe, les États-Unis, l’espace… Ces derniers jours ont vu se succéder des annonces qui, mises bout à bout, dessinent un paysage technologique en pleine mutation. Ce n’est pas une simple avancée de plus. C’est une bascule. Un tournant qui touche à la fois la manière dont nous pensons, cherchons, produisons, interagissons. Essayons de mettre un peu d’ordre dans ce tourbillon.

GPT-4.1, Codex, et les coups d’avance d’OpenAI

OpenAI a l’art du timing. Deux jours avant la grande conférence annuelle de Google (Google I/O), l’entreprise californienne a dégainé plusieurs annonces majeures. La plus visible : l’ouverture de GPT-4.1 à tous les utilisateurs de ChatGPT (abonnés à l’offre Plus). Ce modèle, jusqu’ici réservé à l’API, devient enfin accessible dans un usage grand public.

Mais au-delà de la course aux performances, la vraie révolution porte un nom : Codex. Il ne s’agit plus d’un simple modèle de langage, mais d’un agent autonome. Une IA capable d’intégrer un environnement de développement, de lire le code, d’émettre des hypothèses, de tester, de corriger, et de livrer un résultat. Bref : un assistant développeur non plus "conversationnel", mais collaboratif. Et cela change profondément la nature des outils. Codex n’est plus une machine qui répond ; c’est un collègue — ou un concurrent.

Perplexity + PayPal = Recherche + Achat = Friction zéro

Autre changement de paradigme : Perplexity, souvent présenté comme le futur moteur de recherche intelligent, vient d’annoncer un partenariat avec PayPal. L’objectif : passer directement de la recherche à l’achat. On pose une question, on obtient une réponse contextualisée, et on peut acheter le produit évoqué… sans jamais passer par Google, Amazon ou autre. Une intégration "IA + e-commerce" qui semble logique, mais pose une question essentielle : la neutralité de l’information peut-elle survivre à la tentation commerciale ? Quand une IA vous suggère un produit, le fait-elle pour votre intérêt… ou pour celui d’un partenaire ?

L’Europe contre-attaque : OpenWebSearch et l’alliance avec le Japon

Bonne nouvelle : l’Europe ne reste pas les bras croisés. Le projet OpenWebSearch, mené par un consortium d’universités et de centres de recherche (dont le CERN), vise à créer un index du web souverain, respectueux des règles européennes (RGPD, transparence, absence de tracking). Une alternative à Google, conçue pour alimenter d’autres moteurs de recherche… mais aussi des IA plus éthiques.

Dans la même logique, un accord stratégique a été signé entre l’Union européenne et le Japon, sur les technologies critiques : IA, quantique, 6G, cybersécurité, infrastructures réseau. Ce type d’alliance est essentiel pour ne pas rester dépendants des géants chinois ou américains — ni sur le plan technique, ni sur le plan des valeurs.

Les États-Unis en mode Far West

C’est l’aspect le plus inquiétant. Alors que les débats mondiaux sur la régulation de l’IA avancent lentement mais sûrement, les États-Unis viennent de faire machine arrière. La suppression, par décret, d’un cadre réglementaire sur les exportations liées à l’IA, combinée à une réforme fiscale interdisant aux États (comme la Californie) d’imposer leurs propres règles en matière d’IA pendant 10 ans, donne carte blanche aux entreprises… et aux intérêts privés.

Cette dérégulation radicale va à contre-courant des préoccupations soulevées par les chercheurs, les artistes, les enseignants, les citoyens. L’IA, comme toute technologie transversale, a besoin d’un cadre. Sans cadre, elle devient un outil de concentration du pouvoir. Or, la suppression brutale d’une cheffe du Copyright Office, deux jours après la publication d’un rapport gênant sur les droits d’auteur, envoie un signal clair : ce pouvoir se concentre vite. Très vite.

Alpha Evolve : l’IA qui se programme elle-même

Côté Google, on ne reste pas inactif non plus. Le projet Alpha Evolve, mené par DeepMind, est à la fois fascinant et vertigineux. Il s’agit d’un système qui explore de manière autonome des améliorations d’algorithmes ou de modèles. Il génère des idées, les teste dans des environnements simulés, évalue les résultats, rejette les mauvaises pistes, retient les meilleures, et recommence.

C’est de l’évolution darwinienne… mais à l’échelle logicielle. Et à une vitesse sans commune mesure avec l’intelligence humaine. Alpha Evolve peut théoriquement améliorer d’autres IA. Et donc améliorer celles qui vont ensuite l’améliorer. C’est le premier pas vers la singularité technologique : le moment où une intelligence artificielle devient capable de s’améliorer seule, sans l’humain.

Moissonneuses lunaires : la science-fiction prend racine

Enfin, pour ceux qui douteraient encore du basculement dans un monde science-fictionnel : la start-up Interlune prévoit d’envoyer des engins sur la Lune pour moissonner de l’hélium-3, ressource rare sur Terre mais précieuse pour certaines technologies futures (notamment la fusion nucléaire). Le projet semble fou ? Il est pourtant financé. Et son modèle économique repose sur un simple chiffre : 20 millions de dollars le kilo.

Conclusion : une IA entre accélération et déraillement

Ces annonces, prises isolément, peuvent sembler anecdotiques. Ensemble, elles forment une narration cohérente : l’IA devient ubiquitaire, opérationnelle, autonome. Elle entre dans les métiers, dans la consommation, dans la régulation, dans la géopolitique. Et elle commence à se fabriquer elle-même.

Cela appelle un devoir de vigilance, d’éducation, et de responsabilité. Pour que ces outils — et leurs créateurs — ne nous échappent pas totalement.